L'échec
- fxlepetit
- 13 déc. 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 janv.

Cauterets, 03h56 du matin.
"Bravo et bienvenue ! Si tu veux repartir, tu as 4 minutes avant la fermeture du ravitaillement."
Il me reste un peu plus de 60 kilomètres et 4 000 mètres de dénivelé positif à parcourir. Mais après 23 heures de course sur cet ultra trail dans les Pyrénées, je décide de rendre mon dossard. A bout, physiquement et mentalement, je le tends au responsable du ravitaillement qui l'annule. Le dossard 294 sera donc DNF (Do Not Finish) du Grand Raid des Pyrénées.
Premier abandon, première fois pour moi.
Beaucoup considèrent qu'avoir parcouru 94 kilomètres et 5 815 mètres de dénivelé positif est déjà une victoire !
Pour moi, c'est un échec.
L'échec
L'échec est généralement défini comme l'absence de succès ou la non réalisation d'un objectif ou d'une tâche. Sanction très primaire, factuelle.
Il peut néanmoins exister une tendance actuelle à encourager l'échec. C'est le cas dans les pays anglo-saxons, notamment les Etats-Unis avec la culture du "fail fast". Phénomène qui prône qu'il est préférable d'échouer tôt dans la vie afin d'en tirer les leçons.
Ce phénomène est illustré par Charles Pépin dans son ouvrage Les vertus de l'échec. Il y définit l'échec comme une étape essentielle du processus de réussite. Il est vrai que l'échec n'est pas seulement une absence de succès, mais également une opportunité d'apprentissage et de croissance. Il peut nous pousser à explorer de nouvelles voies et à développer notre résilience.
Le danger réside dans la dérive où l'on place le curseur uniquement sur l'échec en tant qu'évènement. Et en poussant à l'extrême, à le glorifier. En occultant l'effet produit sur la personne qui échoue !
Vigilance quant à l'impact
Comme il n'y a pas de "petite question", il n'y a pas de "petit échec". En tout cas, chacun le voit et le vit au prisme de son référentiel, ses attentes et ses besoins.
Nous aurons alors différentes façons de qualifier l'échec vécu. Il existe autant de degrés d'échec que de personnes et les réactions seront bien différentes pour un même évènement ; qu'il s'agisse de la non signature d'un contrat prometteur, de la faute d'orthographe dans un email professionnel, de la non obtention d'une prime de performance voire de l'abandon sur un ultra trail.
J'ai pu vivre des déconvenues dans ma vie de chef de projet vente avec des pertes de contrats. Je vis encore des échecs dans le développement de mon activité de coach. Peu d'échecs ont été vécus aussi difficilement que cet abandon.
D'autant plus étonnant qu'abandonner sur un ultra trail a toujours été une option affichée, envisagée… dans la mesure où cela ne se produisait pas !
Ainsi, j'y ai vécu un effondrement psychologique en plus de physique. Sensation prolongée après la course, sur laquelle je travaille encore.
Tout cela pour dire que l'impact d'un échec peut surprendre, provoquant de forts remous émotionnels et psychologiques. Il est parfois compliqué à analyser, quand bien même nous en avons la volonté.
Faire de l'échec un lien d'évolution
Afin que l'échec soit une opportunité d'évoluer, il est important de l'ancrer comme une opportunité de remise en question, d'apprentissage. Nous ramenant à la notion de changement d'équilibre homéostatique de l'approche systémique.
Dans ce cadre de référence, l'homéostasie est la propension d'un système à rester en équilibre. C'est sa tendance naturelle à se maintenir dans un été initial. Le changement se fait en traversant une crise. Crise qui pousse le système à se reconsidérer et trouver un nouvel équilibre.

L'échec peut être assimiler à cette crise en ce sens qu'il est le siège d'émotions, de confrontations, de résistances et de remises en questions.
Le passage par cette crise peut conduire à redéfinir nos normes, valeurs, objectifs…
Et permet d'atteindre un nouvel équilibre. L'échec devient alors un lien entre deux états, entre deux versions de nous-mêmes pour tendre vers une amélioration.
A noter que ce processus pouvant s'avérer challengeant et le siège d'émotions vives, être accompagné peut devenir un must !
Et concrètement ?
Après un temps de quelques semaines post abandon, relativement long dans ma représentation, j'ai pris une position de curiosité pour cet évènement. Certains ont pu m'entendre dire : "c'est cool de traverser ce moment" !
Ceci afin de conscientiser et comprendre ce qui s'est joué et de m'améliorer.
J'ai repris et posé ce qui s'est passé. Avec comme point de départ les émotions, j'ai retracé le fils des évènements, les effets produits et vécus. Et ainsi comprendre et apprendre plus sur moi. Je (re)travaille mon "Pourquoi ?", mon "Afin de quoi ?", mes valeurs, mes schémas…
Je note tout ceci (carnet, mémos et discussions). Je peux ainsi travailler sur ce qui relève de la physique de course et élaborer des plans d'actions sur les courses et entrainements à venir (alimentation avant et pendant la course, gestion du matériel, des conditions de course et autres). Et travailler sur ce qui relève plus de mes scenarii psychologiques.
Je me fais accompagner en thérapie sur des points d'importance dans ma construction (estime de moi, idéalisation, inspiration, puissance).
Suivant les échecs vécus et leur ampleur, le temps de recul et d'intégration peut évidemment être plus ou moins long.
Puis, reprenons notre curiosité ! Tant qu'à faire, autant tirer profit de ces moments.
Dans le podcast de Rich Roll, Chase Jarvis, photographe, créateur et entrepreneur, aborde le sujet de l'après échec. Comment se remettre en mouvement. Il propose de procéder par "tiny experiments", des essais suffisamment impliquants pour se challenger mais raisonnables pour ne pas (se) détruire en cas de nouvel échec. De retrouver ce format d'apprentissage.
Une invitation à avancer
Personnellement, la conscientisation de ces étapes de changement passe souvent par le corps. C'est ce que j'ai vécu lors de ce Grand Raid des Pyrénées. Et j'en suis reconnaissant.
Nos échecs sont bien plus qu'une simple absence de succès. Ils sont des opportunités d'évolution. En prenant garde à ne pas les banaliser ni les glorifier en tant que tels, ils peuvent être le lien, le passage entre deux versions de nous-mêmes.
Considérons les comme des invitations à tisser ce lien. A apprendre encore et toujours en traversant ces chocs pour nous renforcer et nous améliorer, comme ce concept décrit par Nassim Nicholas Taleb. Un encouragement à travailler notre Antifragilité.

Et vous ?
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✌️🌱🤩
Références :
📖Les vertus de l'échec, Charles Pépin
👨🎓Approche systémique
🎧Rich Roll podcast, épisode 863
📖Antifragile : Les bienfaits du désordre, Nassim Nicholas Taleb
🏃♂️➡️⛰️Mon expérience sur le Grand Raid des Pyrénées, 160 kilomètres et 10 000 mètres de dénivelé positif cumulé. https://www.instagram.com/p/C_TW6zWtPpM/?igsh=MXI1MXJzbmY0M2V2bg==
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